mercredi 6 février 2013

Chapitre 15 - Une certaine vision des choses


          _  Dégage de là, tu me gênes, répéta-t-il, sentant l'énervement reprendre vie en lui.

Evans secoua la tête négativement mais n'ouvrit pas la bouche. À quoi jouait-elle ? Ne ferait-elle mieux pas de se faire toute petite, d'essayer de se faire oublier ? 

Le jeune homme serra les poings, énervé par son manque de réaction qui ne l'empêchait pourtant pas de lui barrer le passage.

          _ Tu crois que tu ne m'as pas assez ridiculisé ?! lança-t-il méchamment, ayant soudainement envie de la blesser pour qu'elle comprenne ce qu'elle lui faisait endurer. Tu crois que tu ne m'as pas assez pourri la vie ?! Il y a des mecs pas fréquentables sur la terre, je peux te dire que c'est grâce à des filles comme toi ! C'est une simple question d'équilibre et de justice, après tout ! Mais comment devenir autrement après le traitement que tu réserves à celui qui t'aime ? Tu arrives à noircir le plus beau des sentiments humain avec tes mesquineries ! Tu me détruis depuis des années ! Pourtant, je ne le mérite PAS ! Je ne suis pas un MONSTRE !

Était-ce possible qu'elle semble encore plus blême ? Elle semblait sur le point de s'évanouir mais pour la première fois, il décida de se préoccuper de sa douleur plutôt que de penser à celle de la Gryffondor. Il avait trop mal pour sentir de la compassion. Toute cette souffrance accumulée était en train de sortir. Il avait une patience d'ange mais il n'était pas un surhomme.

          _ Oui, je sais, James, souffla-t-elle faiblement.

          _ POTTER ! tonna-t-il fou de rage qu'elle approuve ses paroles au lieu de se défendre et de tout nier en bloc.

          _ Oui... oui, Po... Potter, tu as raison, tu n'es pas un monstre, répliqua la jeune femme dans un murmure. C'est... c'est moi le monstre. J'ai... c'est moi qui ai préparé ce sort pour que tu tombes am... et je... je te demande pardon.

Ses grands yeux verts étaient remplis de larmes et il détourna son regard. Il ne pouvait pas supporter ces perles émeraude larmoyantes qui étaient, malgré tout, magnifiques. La souffrance voulait encore sortir mais lui ne voulait pas hurler sur une femme en train de pleurer.

          _ Mais, poursuivit-elle fébrilement avec des trémolos dans la voix, mais pour l'amour de Merlin... je... je t'en supplie de me croire... les rêves sont là... ils existent et je ne me souviens... même pas de t'en avoir parlé... j'ai tellement honte... je n'ai jamais voulu en parler... pitié crois-moi... je donnerais n'importe quoi pour que ce soit... une simple invention.

Le sang de James se glaça d'effroi et sa colère redescendit immédiatement. Il venait d'avouer à moitié ce qu'il ne devait pas dire. 

La lettre du professeur lui revint alors en mémoire et il se rendit compte qu'il avait été stupide de croire que Lily avait inventé le « somnia postatem ». Dumbledore ne se serait pas fait avoir par une simple comédie, il l'aurait remarqué tout de suite si la jeune malade mentait. Cela voulait donc dire qu'elle était bel et bien possédée et qu'il avait failli le lui avouer et la mettre en danger de mort.

Il se détestait des fois. Car, colère ou pas, il n'avait aucun droit de mettre sa vie en péril. 

          _ Je... je suis mauvaise... je le sais J...Potter, je le sais... Je... J'ai essayé de m'isoler... de disparaître de la vie... de la terre... je n'y arrive pas... pas avec toi.

Elle était maintenant secouée de sanglots puissants et se laissait aller contre le sol froid. 

          _ Pardon de t'enchaîner à moi... Je... j'ai essayé de t'éloigner mais tu es si combatif... Tu es si... parf...

          _ Ne me reproche pas de vouloir me battre ! la coupa James, élevant la voix.

Il ne supporterait pas d'entendre que ses efforts n'avaient servi à rien à part à lui faire mal, que c'était à cause de ses actions que Lily avait été cruelle avec lui.

          _ Non, je ne te reproche rien... Je t'assure... je ne te demande pas le pardon, je ne le mérite pas... je veux juste que... tu saches que je n'invente pas ces rêves monstrueux... je ne peux pas... te laisser dire ça... je ne le supporte pas.

Elle pleura de plus belle et hoqueta quelque chose comme "ce que j'aimerais qu'ils ne fassent pas partie de moi".

James resta de marbre pendant plusieurs minutes telle une statue sans sentiment et sans âme qui se tenait devant une femme en larmes, étendue sur un sol froid. Puis, ses sanglots se tarissant, il crut entendre des chuchotements ; elle devait se parler à elle-même. En entendant "allez espèce de crétine, lève-toi"           _ "tu es pitoyable"           _ "tu ne veux pas te faire plaindre en plus ?"           _ "espèce de monstre", James fut étonné de la sévérité avec laquelle elle se traitait. 

Pleurait-elle des larmes de crocodile ? La partie logique de son cerveau lui fit sérieusement douter que ce soit de la comédie. Elle ne semblait plus se souvenir qu'il était encore en face d'elle. Il aurait pu s'en aller, elle aurait sans doute fait pareil. Mais voilà, il n'avait pas envie d'alimenter les ragots de Poudlard, aussi, il se devait de rentrer bientôt.

Après ce qui sembla un court moment, elle se releva en tremblant vivement et s'exclama dans le même temps :

          _ Je vais y aller, je voulais juste te dire que mes rêves sont vrais et maintenant que c'est dit, je ne t'emb....

À peine debout, elle tourna de l'œil et s'écroula dans les bras de James qui l'avait rattrapée, une fois de plus. Cependant, cette fois-ci, il connaissait les raisons de son évanouissement. Vu la pâleur de son teint, elle devait être déshydratée et en manque de sommeil.  

Il soupira, n'ayant aucune envie de s'occuper d'elle. Néanmoins, il aurait été vraiment ingrat de la laisser là. Il opta donc pour l'infirmerie même s'il savait qu'elle détestait ça. Tant pis pour elle.

          _ Mister Potter, vous amenez encore Miss Evans inconsciente, si je ne vous connaissais pas aussi bien, je croirais que c'est de votre faute !

En quelque sorte, pensa-t-il.

          _ On parlait, expliqua le jeune Potter d'un ton morne tout en la déposant dans un lit libre. Elle était assise puis quand elle s'est levée, elle est tombée dans les citrouilles.

          _ Elle est très pale, diagnostiqua Pompom, ses lèvres sont violettes, elle a des cernes immenses et elle n'a pas dû s'hydrater, ni dormir beaucoup. Rien de grave en tout cas.

          _ Oui, approuva-t-il laconiquement.

          _  Sa tache sur la tempe est encore plus noire par contre, soupira l'infirmière.

          _ Bien, j'y vais, à plus tard Mrs Pomfresh.

          _ Mais... Vous ne restez pas à son chevet comme d'habitude ? s'étonna-t-elle.

          _ Non, ce temps est révolu.

Il quitta l'infirmerie rapidement, ne souhaitant pas s'attarder ; ce lieu serait toujours relié à de mauvais souvenirs. Tout comme Lily Evans serait toujours reliée à de mauvais souvenirs. En fait, Lily Evans était un mauvais souvenir.

Son château de cartes d'espoir s'était effondré en une nuit. Il s'étonnait de la rapidité à laquelle les informations s'étaient enchaînées et avaient irrémédiablement entraîné des conséquences douloureuses. Dire qu'un peu plus tôt dans la soirée, il avait voulu se libérer de toute responsabilité pour pouvoir embrasser Evans sans se sentir coupable.

Il était temps de se poser les bonnes questions. Aujourd'hui avait été le point de non-retour. Il en voulait terriblement à Evans parce qu'elle lui avait jeté un sort et avait joué avec ses nerfs. La situation créait des nœuds dans son cerveau mais si on résumait, il n'avait jamais eu ses chances. Depuis sa troisième année, James avait essayé de se rapprocher de Lily Evans et pendant quatre ans, il n'eut aucune chance. À partir de la septième année, elle avait fait un pas vers lui. Et maintenant qu'il savait qu'elle se faisait influencer par ses rêves et que cela altérait son jugement, il avait espéré avec une innocence pitoyable que c'était le sort qui les séparait ?! Était-il stupide ? Que faisait-il de tous les rejets qu'il avait subis avant la septième ? Le maléfice n'excusait pas tout.

Le sort qu'elle avait donc appliqué sur ses lunettes n'était pas à cause du « somnia postatem », il fallait arrêter de rêver. Evans était devenue avec les années, une fille froide et cruelle et quand cette histoire serait finie, elle redeviendrait constante dans sa froideur et serait horrifiée de savoir qu'elle aurait embrassé James Potter et sympathisé avec les Maraudeurs. Elle redeviendrait comme en sixième année.

Il n'y avait certainement pas d'âme sœur non plus. En y réfléchissant bien, c'était juste une peur de l'inconnu qui le retenait à Evans. Il ne s'était jamais investi dans une relation avec une autre fille qu'elle, craignant peut-être de concrétiser une relation. Peut-être avait-il inconsciemment senti qu'Evans ne l'aimerait jamais ? Il ne savait plus. Le destin les avait-il vraiment réunis ? Où était-ce lui qui s'accrochait à des raisons mystiques ?

Ça suffisait, il fallait qu'il change d'air, au moins pour mettre de l'ordre dans son esprit embrouillé. Ça suffisait de flancher. L'histoire était finie. Elle avait débuté avec ces fichues lunettes ensorcelées et elle se finissait maintenant qu'il savait que la responsable était la principale intéressée, le faisant pour se moquer de lui.

De toute façon, la Lily Evans de troisième année n'existait plus. Il n'y avait plus cette douceur, cette bienveillance et cette malice qui l'avaient caractérisée à l'époque. Non, maintenant elle était mentalement instable, n'avait plus les idées claires, complotait contre lui et allait lui en vouloir d'une manière innommable quand elle recouvrirait son esprit, bien que ce soit injuste ; mais depuis quand Lily Evans se préoccupait de savoir si c'était juste ?

Cette renonciation était différente des autres, car il se rendait sincèrement compte que Lily Evans avait changé, profondément. Lui, était resté le même, il était juste un peu plus blessé que par le passé. 

Une fois arrivé dans son dortoir, il se laissa choir mollement dans son lit. Au lieu de sentir la souplesse de son matelas, il s'écrasa sur des duretés anguleuses et...chaudes ?

          _ Bon sang Corny, ton patronus devrait être un cheval, tu pèses une tonne ! s'exclama la chose sur son lit d'une voix étouffée.

          _ Patmol ?! s'étonna James en se relevant douloureusement.

          _ Un cerf n'est pas aussi lourd, c'est dingue ! Un troll ça aurait été bien aussi, poursuivit-il rêveusement.

          _ Mais par la barbe de Merlin, qu'est-ce que tu fous dans mon lit ?

          _ J'étais sûr que tu allais me réveiller si tu revenais, expliqua Sirius comme si la réponse était d'une stupide évidence.

          _ Bien, t'es réveillé ! Et maintenant ?

          _ Oula ! Toi t'as passé une sale nuit, t'es de mauvais poil ! Comique de la part d'un chien ? Je trouve aussi.

          _ Plus qu'une sale nuit, Sir', elle était catastrophique, soupira James en s'asseyant sur le rebord de son lit.

          _ C'est-à-dire ?

          _ Pour faire simple, j'ai voulu rompre avec Candy et avant que j'aie pu dire quoi que ce soit, elle et Stella m'ont annoncé avoir trouvé la preuve qu'Evans avait ensorcelé mes lunettes, ce qui veut dire qu'elle s'est jouée de moi. Je suis allé voir Evans, furieux et elle n'a rien nié, au contraire puis elle s'est évanouie. Je l'ai amenée à l'infirmerie, fin de l'histoire.

          _ Ah, trouva à dire le jeune Black.

          _ J'en ai ras-le-chaudron Sirius, je vais arrêter avec Evans, annonça-t-il sombrement et calmement.

          _ James... Je veux pas casser l'ambiance, commenta son ami sarcastiquement, mais tu m'as dit ça au moins une dizaine de fois.

          _ Oui mais comprends que cette fois j'ai bel et bien réalisé qu'elle avait changé et pas seulement à cause du « somnia postatem ». Je désire passer à autre chose maintenant, tu avais raison, ça fait trop longtemps que je traîne dans son ombre espérant un jour marcher à ses côtés. J'aimerais que tu m'aides à m'en tenir à ce que je dis là, ici et maintenant, je ne veux plus retomber comme je l'ai fait les dizaines de fois précédentes. S'il te plaît, rappelle-moi cette nuit et cette souffrance si jamais je commence à la voir sous un meilleur jour. Peux-tu me rendre ce service ?

          _ Bien sûr, James ! Je t'ai toujours soutenu malgré tout ce que je pensais à propos de ton histoire avec Evans. Si maintenant tu me demandes de t'écarter de son chemin, je le fais. Tu peux compter sur ton frère de cœur, parole de Maraudeurs !

          _ Parole de Maraudeurs, approuva James en tapant dans la main de son meilleur ami.

__________________________________


James se réveilla après un rêve agité où Evans était encore présente. Il se félicitait ! C'était la meilleure technique pour tenter de l'oublier, pensa-t-il ironiquement. Mais au moins cette fois-ci, il ne s'était pas retrouvé dans un lit avec elle. C'était un certain progrès, cela signifiait que son esprit s'était résigné au fait que c'était bel et bien fini.

Le rêve s'était encore passé dans la chambre bleue, sauf que le lit blanc avait laissé place à une cage aux airs lugubres. La prison de fer était recouverte de mousse à divers endroits et de l'eau suintait le long des boulons rouillés pour finir en flaque d'eau noire autour de la cage. Au centre se trouvait Evans, dans la même position effondrée que celle devant le portrait de la Grosse Dame. Elle ne cessait de sangloter et lui ne faisait rien à part la regarder.

Il passa automatiquement à la salle de bain pour examiner à nouveau sa tempe. Pas une trace. Définitivement, ce rêve n'avait pas de rapport avec une quelconque possession.

En chemin pour se rendre à la Grande Salle, Sirius expliqua rapidement la situation aux deux autres Maraudeurs. James les pria de ne pas le prendre en pitié, il avait besoin de normalité pour avancer ; ainsi que pour se reconstruire, mais il ne crut pas nécessaire d'avouer cette dernière faiblesse. Ils comprirent parfaitement et se mirent donc à discuter comme si de rien n'était.

Un peu plus tard dans la journée, le jeune Gryffondor retrouva Candy pour lui annoncer ce qu'il avait à lui dire hier. Elle parut terriblement choquée que sa descente d'Evans n'ait pas changé la donne. Il rigola amèrement, se demandant dans quel délire vivait cette fille. Il lui fit gentiment comprendre qu'elle ne pouvait s'attendre à rien d'autre tant qu'elle se traiterait comme elle le faisait. À la fin de la discussion, James ne savait pas trop ce qui avait le plus accablé la Poufsouffle, le fait que le garçon qui la plaquait lui faisait la morale ou que ce fameux garçon soit James Potter, celui qu'elle rêvait d'avoir pour elle depuis des années, selon ses propres dires.

Oui, mais voilà, malgré la blessure qu'Evans avait fait apparaître sur son cœur, il restait un jeune homme romantique, sérieux, avec certaine éducation et, par extension, un certain respect pour les femmes. Maintenant qu'il s'était libéré de la diablesse qui l'avait fait vivre à deux cents à l'heure, il comptait bien avoir des relations simples avec des filles gentilles, discrètes et peut-être belles. Tant qu'elles seraient douces et amoureuses, ça lui conviendrait.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire