mercredi 6 février 2013

Chapitre 10 - Une certaine vision des choses


L'ennui. Ce mot semblait être partout, tatoué sur toutes les parties du corps de sa petite amie superficielle, écrit en lettre d'or sur ses bouquins de cours, gravé en relief dans le bois de la table sur laquelle il prenait ses repas ou bien encore murmuré par le vent qui s'engouffrait dans ses oreilles lors de parties de Quidditch.

Si encore il n'y avait que ce mot, il aurait fait avec, il aurait compris que ce serait maintenant la vie qu'il allait avoir ; ennuyeuse. Mais non, son cœur torturé avait décidé de bien préciser quelles étaient les raisons de son ennui, même s'il n'avait jamais pu les oublier. Ainsi, les mots « Lily », « amour » et « manque » se rajoutèrent.

Les raisons pour lesquelles il s'était obligé à sortir avec Candy et à refuser de sortir avec Stella lui revinrent tel un boomerang douloureux, mettant ses résolutions sens dessus dessous.

Il avait cherché à fuir tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à Lily et maintenant il était obsédé par ces moindres choses. Il conservait précieusement une feuille d'automne qui s'était décidée à tomber plus tard que les autres en souvenir de ses cheveux et du muguet en souvenir du mois où ils s'étaient embrassés, il ne se lassait pas d'entendre son prénom, il la cherchait constamment du regard et le pire c'est qu'il s'était même mis à la suivre.

Elle lui manquait trop. Voilà que deux semaines étaient passées et il n'en pouvait plus. La douleur l'avait submergée les premiers jours, maintenant il la faisait taire en voulant profiter de chaque moment où il la voyait vivre.

James était conscient de se faire du mal mais il se disait toujours à ce moment-là qu'il aurait toujours le reste de sa vie pour s'en remettre. Car, après tout, il ne la reverrait plus jamais après cette année. C'étaient les derniers moments de sa vie où il pourrait la côtoyer, profiter de son visage, de ses yeux, de ses mimiques et de sa voix.

Il savait qu'il revenait sur ses convictions des jours suivant le malheur de l'infirmerie ; qu'il ne viendrait plus la voir, qu'il avait rayé Lily Evans de son existence. Pourtant le boomerang avait brisé ses volontés dictées par la douleur sourde de son cœur. 

D'ailleurs, maintenant qu'il y pensait, était-ce vraiment ses volontés à lui ? N'étaient-elles pas celles de Lily ? Il s'était convaincu qu'il le souhaitait aussi mais il s'était fourvoyé.

Lui, il la voulait, quel qu'en soit le prix.

          _ Mon beau gosse est là ! s'exclama une voix fluette et appréciatrice.

Il ne répondit que par un vague bruit. Quel surnom stupide...

          _ Si tu savais comme tu m'as manquée, susurra cette même voix, assise sur lui à présent.

Il voulut ouvrir la bouche pour répondre qu'il le savait – elle le répétait chaque jour, c'était lassant – mais des lèvres collantes se posèrent sur sa bouche et entama un baiser avide et pressant.

          _ Candy, je t'ai déjà dit de ne pas mettre autant de gloss, c'est désagréable, grogna-t-il en reprenant sa respiration.

Ces démonstrations gluantes ne pouvaient tenir aucune comparaison avec les baisers qu'il avait échangés avec sa Lily. Il adorait se rappeler de la sensation de la chair rose et pulpeuse de la jeune fille dans le creux de sa bouche. Il était obligé de faire tourner ce souvenir en boucle pour ne pas rudement repousser la « blonde parfaite »  - comme elle aimait se surnommer.

Le jeune Gryffondor était conscient que c'était lui le problème car en tant que tel Candy était une jolie fille qui savait utiliser sa bouche et son corps. C'était juste qu'il ne supportait pas la différence entre Candy et Elle. Il désirait ardemment Lily et il n'aimait rien d'autre que ses manières à Elle.

          _ Pourtant je te fais de l'effet, mon Apollon, continua-t-elle à chuchoter près de son oreille.

Il rigola intérieurement. Si seulement elle savait quel souvenir lui avait réellement fait de l'effet, elle perdrait sûrement de sa superbe et peut-être même, cadeau des Dieux, elle arrêterait de lui trouver des surnoms.

La jeune Poufsouffle quémanda un autre baiser puis elle commença à se frotter contre lui en s'appuyant à des endroits assez suggestifs.

James soupira. Cette fille était une obsédée ou alors elle croyait que c'était la seule manière de le satisfaire.

          _ Je sais, moi aussi je n'en peux déjà plus, lui assura-t-elle en se méprenant sur son soupir.

Pour appuyer ses dires, Candy essoufflée prit une des mains carrées du jeune homme pour la faire voyager à l'intérieur de ses cuisses.

          _ Candy...J'ai des trucs à faire...

Il mentait. Mais il n'avait pas envie d'elle.

          _ Allons, allons, Canon de mes rêves, tu vas me faire le plaisir de faire ce que je veux, je ne suis pas très exigeante je crois, lui rappela-t-elle.

Il se laisse faire, une fois de plus. De toute façon, c'était le seul moyen d'avoir la paix.

          _ Où va-t-on ? On ne peut pas le faire là, chuchota sa petite-amie excitée.

          _ Dans mon dortoir, répondit-il.

Il avait une petite idée pour lui échapper juste après.



Couché dans son lit, Candy allongée à ses côtés avec une jambe posée sur lui avec possessivité, il comptait les secondes avant de pouvoir y aller. La jeune femme avait l'habitude de s'endormir une dizaine de minutes après avoir couché avec lui s'il ne la maintenait pas éveillée en discutant.

Six cent cinquante-huit ; ça y est, elle dormait légèrement. Il s'extirpa avec habilité et enfila sa tenue en vitesse puis prit une chemise et un pantalon propre. Le jeune homme ressentait toujours le besoin de se doucher après avoir couché avec Candy surtout s'il comptait aller regarder la rousse de son cœur. Il savait que c'était bête, mais il ne voulait pas sentir la bouche de Candy sur son corps en la regardant, Elle.

Il sortit de son dortoir et se dirigea vers ses amis assis près de la cheminée. 

          _ Salut les gars, les salua-t-il.

          _ Hey, Cornedrue, alors c'était bien avec blondinette ? demanda Sirius en ricanant.

          _ Comment tu... Ne me dites pas qu'elle a encore remis ce fichu angelot ?! s'exaspéra le capitaine des Gryffondor.

Candy avait eu la merveilleuse idée de lancer un sort à la porte de leur dortoir quand ils étaient « occupés » pour ne pas être dérangés. Ce sort consistait à faire apparaître un petit angelot qui voletait près de la porte et disait à qui voulait l'entendre que « Deux beautés vivantes nommés Candy Stinson et James Potter étaient sont occupés à s'aimer de la manière la plus belle et la plus sensuelle au monde ».

James détestait ça, c'était m'as-tu-vu, histoire de prouver à tout le monde que James Potter appartenait à Candy Stinson. Quant à l'adjectif dont elle les avait affublés, il était ridicule et d'une telle vantardise...

Beauté vivante, tu parles ! Si ça avait été une nature morte, j'aurais eu la paix, pensa-t-il ronchon.

Si Lily et lui se disputaient encore comme en sixième année, elle n'aurait pas manqué de lui faire remarquer que sa tête avait encore plus enflé.

          _ Ce qu'elle m'énerve ! s'exclama-t-il tout haut.

          _ Oh, elle n'est pas pire que la fille que Sirius a dégotée, remarqua Remus amusé.

          _ Hey ! Je ne l'ai pas dégotée, elle ME courrait après, corrigea l'intéressé.

          _ Oui enfin, tu t'es quand même pris deux râteaux cher Patmol, un de Stella et un de Candy, je crois que tu es en train de perdre ton charme, répliqua le Loup-garou rieur.

          _ La ferme, Lunard !

Les Maraudeurs se mirent à rire sauf Sirius qui affichait un air de fausse indignation.

          _ Ces filles sont des obsédés des hérissons à lunettes, forcément que je ne rentre pas dans la catégorie de leurs préférences, se sentit obligé de rajouter le ténébreux Black.

          _ J'aimerais trainer avec vous les mecs, lança James en ignorant le surnom qu'on venait de lui donner, mais là faut que je me douche. Rem' je peux utiliser la salle de bain des préfets ? J'ai tout sauf envie d'avoir Candy sur le dos, j'ai besoin de calme, expliqua-t-il ensuite.

Il n'avait pas osé avouer à ses amis qu'il irait regarder Lily après. Il se trouvait suffisamment minable comme ça.

          _ Oui pas de problème, affirma le préfet.

          _ Cool. Ah et par pitié, ne dîtes surtout rien à Candy !

          _ Qu'on m'envoie un Avada Kedavra sur le champ si je trahis ma promesse et que je succombe au succube déguisé en blondinette ! s'écria Sirius toujours aussi théâtral.

          _ Ce mec a un grain, remarqua le jeune homme à lunettes en soupirant d'amusement. Essayez de le supporter sans moi, à plus les gars.

          _ Moi aussi je t'aime Jamesie et la braguette ouverte c'est très sexy !

À deux pas de la sortie, le jeune Potter s'arrêta et posa un regard sur son pantalon. Il était parfaitement mis.

Très drôle, pensa-t-il en levant les yeux au ciel et en continuant son chemin sous le rire de ses amis. 

Il arriva devant le tableau assez rapidement, se repérant parfaitement dans ce grand château. Il s'ennuierait souvent quand il ne séjournerait plus ici. Plus de farces à faire, plus de château à parcourir que ce soit dans les règles ou pas, plus de sorties à Pré-au-Lard, plus de répartitions et le plus douloureux, plus de Lily.

La pièce était toujours aussi majestueuse. Du marbre pêche recouvrait la quasi-totalité de la pièce, de grands vitraux coloraient les lieux avec leurs rais de lumière. Au milieu de la pièce, quatre marches creusaient le marbre au sol en un carré parfait rempli d'eau qui scintillait paisiblement. Cependant il n'avait pas envie de se baigner, il pivota donc sur la droite où se tenait une arche soutenue par de larges colonnes travaillées. L'extension était moitié moins grande mais suffisamment spacieuse pour accueillir deux vasques et une douche italienne.

Le jeune homme se dirigea prestement vers la douche et fit couler l'eau sur sa peau tendue après s'être déshabillé. Il ne l'avouerait jamais à personne mais il avait hâte d'aller la 'retrouver'. Il espérait que ce soit un jour heureux pour elle, il avait envie de la voir sourire. Malheureusement, ses derniers temps elle n'avait pas l'air plus joyeuse que lui. Quand il était revenu de l'infirmerie, il était tellement mal qu'il pensait que les notes de Lily remontaient parce qu'elle était enfin soulagée d'un poids. James s'imaginait qu'elle serait guillerette, pleine de vie et malicieuse comme aux premiers jours de sa visite de Poudlard. 

Et qu'elle n'avait pas été sa surprise quand il avait commencé à la regarder, à l'observer longuement. Il avait alors compris qu'elle se plongeait dans les études parce qu'elle était désespérée, on aurait dit qu'elle avait besoin de fuir quelque chose, une pensée qui l'assaillait dès qu'elle cessait de faire quelque chose. Ses cernes marquaient le dessous de ses yeux et elles semblaient vouloir y rester ; elle ne dormait donc pas ou très peu. Lui aussi, d'ailleurs, mais il cernait moins facilement.

Sa douce fée n'avait jamais été quelqu'un de superficiel mais elle prêtait un minimum d'attention à son allure. Là, elle ne semblait même pas se rendre compte de l'apparence qu'elle avait, comme si elle n'avait plus de corps. Sa vie était devenue robotique, à tel point qu'il connaissait ses horaires par cœur. Tous les soirs de cours elle restait à la bibliothèque, faisant ses devoirs, lisant des bouquins des années supérieures – elle voulait assurément devenir Auror puisque James avait lu les mêmes – ensuite elle faisait sa ronde de nuit et finissait par aller dans son dortoir.

Il frissonnait quand il pensait à sa jolie Lily qu'il imaginait très bien assise en tailleur sur son lit, entièrement habillée attendant que l'aube se lève pour achever ses heures où elle n'avait rien à faire, le visage triste et les yeux vitreux, figée comme une statue. Qu'aurait-il donné pour arriver dans cette chambre et la prendre dans ses bras, l'emmener quelque part où elle reprendrait vie. James s'était trompé en pensant que Lily vivait mieux depuis qu'il n'était plus là. Bien sur, elle ne l'aimait pas, il en était conscient, mais au moins quand il était présent, elle avait vécu. Le problème c'est qu'il n'avait aucune idée de ce qui l'avait mise dans cet état, était-ce sa fréquentation ou était-ce les rêves qu'elle avait faits ? En faisait-elle encore quand son corps lui réclamait du repos ?

Le jeune Potter soupira et arrêta l'eau. Il entoura ses hanches d'une serviette moelleuse et chaude qu'il noua autour de sa taille.

Une bulle aux mille couleurs flotta dans l'air devant lui avant de s'éclater au sol, puis une deuxième. Il haussa les sourcils d'étonnement puis se rappela que le bain de la salle moussait uniquement quand quelqu'un était dedans. Il passa donc sa tête au-delà de l'arche et aperçut deux bras étendus d'un crème laiteux autour une masse de cheveux longs, soyeux et surtout... Roux.

La respiration retenue, il avança doucement pour découvrir un profil qu'il connaissait bien. Elle avait les yeux fermés et le haut de son corps se soulevait régulièrement. Sa bouche d'un rose prononcé était légèrement entre ouverte et laissait échapper un léger souffle.

James s'agenouilla près d'elle en gardant une distance de sécurité malgré son émerveillement. 

Lily était tout simplement magnifique et si paisible. Ses soucis avaient l'air de s'être effacés, son visage avait cette jolie couleur qu'il chérissait tant.

Poussé d'une audace qu'il ne se connaissait plus et d'une envie qu'il ne connaissait que trop, il approcha sa main de ses cheveux et les caressa tendrement, si légèrement qu'il espérait qu'elle ne se réveillerait surtout pas. Combien de chance avait-il d'être si près d'elle avant que l'année finisse ? Certainement aucune.

Ses cheveux étaient toujours aussi beaux, c'était une des seules choses qui restait de la Lily joyeuse d'Avril, une crinière resplendissante qui ne s'était jamais fadée, même quand elle avait fait tout disparaître, même quand elle avait commencé à ne plus vivre mais à survivre à un mal qui la rongeait.

Il aurait tant aimé la protéger, il se sentait prêt à faire n'importe quoi dans le but de la voir réagir et il comptait mettre autant d'énergie à retrouver le monstre qui la torturait. Il se l'était juré depuis qu'il la connaissait, il ne laisserait personne lui faire du mal, jamais, pas même lui.

Quelle que soit la douleur qu'il ressentirait, il s'en fichait. Elle avait ses défauts mais elle était parfaite à ses yeux et elle ne méritait rien d'autre que du bonheur, il en était intimement persuadé. C'était un sentiment puissant qu'il ne s'expliquait pas lui-même, ses parents lui avaient bien dit que ce genre de sentiment n'existait pas quand il avait demandé s'il était possible de s'aimer comme dans les livres d'histoire. Ils lui avaient longuement expliqué qu'un amour profond venait après plusieurs années, qu'on ne tombait pas amoureux à ce point dans la vraie vie.

Et pourtant, aujourd'hui, quoi qu'ils en disent, il se sentait éperdument amoureux d'un amour de films et de livres, d'un amour chimérique qui fait rêver. Tant pis pour ceux qui n'y croyaient pas, lui il savait que ça existait parce que ses sentiments et ses mots n'étaient pas des mensonges.

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