mercredi 6 février 2013

Chapitre 11 - Une certaine vision des choses



Elle tourna imperceptiblement sa tête vers lui mais il était tellement concentré sur elle qu'il le remarqua. Elle commença à papillonner des yeux et James écarquilla les siens ; il fallait qu'il réagisse avant qu'elle ne se rende compte de quoi que ce soit. Calculant ses chances à une vitesse fulgurante, il se rendit à l'évidence : il n'aurait pas le temps de se lever et de se cacher avant qu'elle ne remarque sa présence car il était bien trop près d'elle. Une folle envie traversa son corps et lui fit pencher la tête au-dessus d'elle ; après tout, il était cuit, autant faire remarquer sa présence et profiter d'un des derniers baisers désirés ardemment qu'il aurait dans sa vie.

Il pencha encore sa tête et posa ses lèvres contre celles onctueuses de sa Lily. Son torse s'affaissa de bonheur. Une tension se déchargea, c'était si bien, encore mieux que de respirer après une séance d'apnée, mieux que de boire après avoir couru dans le désert, mieux que de poser sa tête sur son oreiller après plusieurs nuits blanches et même, mieux que le soulagement qui s'installait en lui après une nuit de pleine lune sans blessé grave.

La petite partie de son cerveau qui raisonnait encore, se rendit alors compte que Lily n'était pas une simple envie, un banal caprice d'adolescent. Elle était un besoin, une évidence, une priorité. Il sembla alors que le désir qu'elle soit heureuse n'en était pas un, c'était aussi un besoin. Malheureusement, ses deux besoins n'étaient pas compatibles.

Puis, le bonheur passé, son ventre se contracta d'appréhension, faisant abstraction de son désir           _ voire besoin           _ d'approfondir le baiser, il restait pétrifié par la future réaction de Lily. Ses joues frémirent même en attente de la claque qui ne tarderait pas à venir.

Et quelle ne fut sa surprise quand les doigts de la jolie rousse caressèrent sa joue et qu'elle entrouvrit ses lèvres pleines. Il déglutit et se découvrit une nouvelle dextérité ; en une seconde il se retrouva contre elle dans l'eau, à l'embrasser à pleine bouche. Il la surplombait et avait entouré ses cheveux de ses avant-bras. Il n'était que peu conscient de la scène, trop concentré sur les lèvres qu'il chérissait, les embrassant, attrapant la supérieure dans sa bouche puis l'inférieure, explorant cette délicieuse étendue de chair qui embrasait son corps entier. Il n'avait jamais ressenti de telles sensations en embrassant une fille à part avec Elle.

L'euphorie du baiser le foudroya alors que la clairvoyance le frappa. Il venait de se rendre compte de quelque chose. Une chose très importante, fondamentale mais qui était compliquée à comprendre. 

Il comprenait alors les raisons pour lesquelles ces deux semaines avaient été un véritable enfer de souffrance. Les rejets et la peine qu'il avait eus les années précédentes ne tenaient plus la comparaison ; il avait ressenti un vide immense creuser son existence, un néant sourd et mystérieux. Ce mystère l'avait travaillé, il avait tenté d'analyser ce lien si fort que l'unissait à Lily et malgré tous les éléments présents, il n'avait pas compris. Maintenant, c'était différent.

Ces deux besoins étaient en ce moment même en parfaite fusion, ils s'entremêlaient et se mariaient à merveille. Il ne se sentait plus tenaillé, il était comblé et même... entier. 

C'était ce même sentiment de plénitude qui l'avait envahi lors de son baiser dans le parc ou quand il l'avait enlacé dans son dortoir mais à présent, il en saisissait toute la subtilité.

Il avait enfin une image claire de la situation.

Toute sa vie – étant plutôt chanceux – James avait été sur la deuxième marche du podium. Il était heureux, beau, ne manquait de rien, était extrêmement gâté, populaire, entouré de gens sincères et il réussissait presque tout ce qu'il entreprenait. Il brandissait sa médaille d'argent fier et persuadé qu'on ne pouvait pas être plus heureux que lui hormis quelques exceptions. Il pensait être comblé.

Mais au fil de ses années à Poudlard, un éclat d'or s'était mis à briller de plus en plus fortement. À un tel point que malgré sa vie « parfaite », le jeune homme se mit à le suivre, à vouloir l'atteindre. Mais l'or lui échappait, renforçant son attirance qui fortifia à son tour sa curiosité ; pourquoi était-il si attiré par cette chose nouvelle ?

Déjà complètement amoureux, il gravit alors la première place du podium en compagnie de Lily lors de ce baiser dans le parc. Il était encore plus heureux, sentant que c'était là qu'il devait être.

Ce qu'il n'avait pas compris à l'époque, c'est qu'en tombant de son piédestal, en étant arraché à cet éclat d'or, il se sentirait si vide. La deuxième place ne lui convenait plus, c'était fini, il s'était trompé en pensant connaître ce qui le rendait complet. 

Tout l'univers lui avait murmuré l'explication mais il n'avait pas écouté.

Quand il l'embrassait, quand il était avec Elle, quand ils étaient ensemble et qu'ils étaient heureux, la Terre entière lui chantait une douce mélodie euphorisante, elle disait qu'ici était sa place, qu'il avait trouvé ce pour quoi il était né, que c'était là qu'il devrait être pour le restant de sa vie ; auprès de cette jeune femme.

Lily Evans était l'âme sœur de James Potter. Leurs Destinées étaient liées.

Elle était le centre de son monde et quand il s'éloignait de son pôle, il était déboussolé.

Il avait mis sept ans à comprendre et, même si cette attirance presque gravitationnelle envers Lily le dépassait complètement, il savait que sans elle, il ne vivrait pas pleinement.

Pendant cette prise de conscience, la belle rouquine avait enfoui une main dans ses cheveux en bataille pendant que l'autre parcourait son dos, traçant un chemin invisible qui lui provoquait mille frissons. Il mit encore plus de passion dans leur baiser puis voulant la laisser respirer, il baisa son menton, suivit la ligne de sa mâchoire, remonta son oreille, parcouru ses joues et se délecta de la chair moelleuse de son cou.

Il la sentit alors se raidir, se stoppa net et remonta vers son visage pour voir ce qui se passait.

          _ Tu es... Tu es réel ?! s'exclama-t-elle choquée, la voix enrouée.

Un étonnement grandissait à l'intérieur de ses yeux, ainsi qu'une autre lueur puissante qu'il interpréta comme de l'horreur vu le ton qu'elle avait utilisé.

James eut le souffle coupé par un coup de poing imaginaire dans l'estomac puis un déchirement sinistre fit vibrer ses tympans. Ses deux besoins vitaux reprirent la lutte et le tiraillement de ses entrailles apparut à nouveau. Ils n'étaient plus compatibles. Elle n'était plus heureuse à ses cotés. Lui devait donc s'en aller mais il était malheureux sans elle. 

Un doute affreux s'empara de lui. James était-il le cauchemar de Lily ? Frissonnait-elle d'effroi quand il l'embrassait ? Se réveillait-elle en hurlant quand ses rêves lui montraient des scènes telles que celle du parc ?

Si c'était faux, pourquoi s'exprimait-elle comme cela ?

Depuis qu'elle avait des rêves possédés, tout était contradictoire dans son esprit. La question était, alors, perdait-elle la raison quand elle l'embrassait ou quand elle le rejetait ?

Il recula quelque peu son visage mais ne pouvait pas se décider à partir, malgré la douleur. Il était sûrement suicidaire. Tant qu'elle ne le repoussait pas rudement, il resterait pour profiter de la moindre seconde, comme il se l'était dit plus tôt et il l'oublierait une fois l'année finie – bien qu'après toutes ces révélations, il n'y croyait plus.

          _ Que fais-tu ici Potter ? demanda-t-elle, reprenant de sa superbe et durcissant ses traits si délicats.

          _ Je fais de la couture et toi ? répondit-il automatiquement.

Le visage de la jolie Gryffondor s'illumina d'émotion. Ce n'était pas une émotion positive mais qu'importe, depuis des semaines elle s'exprimait mollement et ses yeux ne reflétaient rien d'autre que du vide. Il se rendit alors compte qu'il provoquait des émotions chez elle, de la haine et parfois de l'attirance. Fasciné de pouvoir la faire revivre, il trouva là une nouvelle raison de ne pas partir.

          _ Quel humour ! soupira-t-elle, ironique.

          _ Tu l'aimais bien cet humour, si je me rappelle bien l'époque où tu traînais avec nous.

          _ Ne me parle pas du passé ! siffla-t-elle rageuse entre ses dents.

          _ D'accord, de quoi veux-tu qu'on parle ma belle ?

          _ Ne m'appelle pas ma belle ! Et je ne veux pas parler avec toi, je veux...

          _ D'accord, on va s'embrasser tout de suite puisque tu ne veux pas parler, la coupa-t-il, mais je te croyais plus spirituelle que ça.

Elle poussa un grand soupir exaspéré. 

          _ Potter, ne joue pas à l'andouille !

          _ Ah mais je ne joue pas, je le suis !

          _ Ce que tu peux m'énerver ! Tu as sûrement un don, ce n'est pas possible autrement.

          _ J'ai un don pour te séduire, tu veux dire, susurra-t-il charmeur en se rapprochant suffisamment pour mêler son souffle au sien.

La jeune étudiante sembla être ailleurs pendant quelques secondes puis ses yeux s'assombrirent.

          _ Tu parles, chuchota-t-elle, tu ne charmes que les cruches du genre de ta « beauté vivante » !

          _ Tu es jalouse ma belle, assura-t-il en souriant à grandes dents.

          _ Bah voyons ! Plutôt embrasser le...

          _ Calamar Géant ! finit-il en même temps qu'elle, ce qui lui arracha un sourire. D'ailleurs, je me demande ce que tu lui trouves à ce mollusque...

          _ Tiens, jaloux ? railla-t-elle.

          _ Évidemment, mais au moins ça nous fait un point commun, toi les mollusques, moi les poules.

          _ Mon mollusque est bien plus intelligent que toutes tes poules réunies. C'est d'ailleurs bien pour ça que tu sors avec elles !

S'il croyait encore au Père Noël, il aurait vraiment cru que Lily était jalouse. Cette réflexion l'amusa et il se mit à rire.

          _ Je peux savoir ce que tu fais encore ici ? reprit-elle en gardant un visage impassible.

          _ Je te ferais remarquer que j'étais ici le premier, en train de me doucher et que quand j'avais fini, tu étais dans le bain. À croire que tu fais tout pour me rencontrer, la nargua-t-il.

          _ Le bain ? répéta-t-elle interdite.

Elle porta un regard sur elle puis s'empourprant, sembla se rendre compte de sa nudité et plaça automatiquement ses bras autour d'elle.

          _ Je... Je suis...

          _ Belle, compléta-t-il en souriant tendrement.

          _ Nue, idiot.

          _ Les deux si on y réfléchit bien, répliqua-t-il en provoquant un énième soupir de la jeune femme.

          _ Bon, ça suffit maintenant, tu vas t'en aller, répéta-t-elle.

          _ Vraiment, Lily-Jolie, il va falloir trouver autre chose pour me faire rater le merveilleux spectacle auquel je suis en train d'assister, répondit James en caressant brièvement son épaule nue.

Elle recula vivement son épaule et une vague de magie sembla courir sur la peau de la jeune femme, laissant sur son passage un tissu vert forêt. Au bout d'une minute, Lily était chaudement habillée d'un pull à col roulé émeraude. Le jeune homme était abasourdi ; était-elle assez douée pour lancer un sort informulé sans sa baguette ? Ou alors c'était la salle qui était doté d'un sort qui exauçait les vœux ? Une chose était sûre, le pull était magique puisqu'il n'était même pas mouillé. 

Le jeune Potter aurait pu être déçu mais il remarqua que ce n'était pas le cas. Il adorait, chérissait le corps de Lily, il en fantasmait et gardait un contrôle tout relatif mais le plus exaltant était de lui parler, simplement d'échanger avec elle. Même si, les baisers avaient une notion tout à fait magique et solennelle avec elle, sûrement parce que c'était la manière la plus concrète qu'il avait de se sentir avec son âme sœur.

          _ Très bien, je vais innover. Si tu ne t'en vas pas, je hurle à la séquestration et au harcèlement.

          _ Fais-toi plaisir ma beauté, en attendant ce n'est pas moi qui vais avoir honte des ragots demain au petit-déjeuner, j'imagine déjà « Tu as entendu la dernière ? Potter et Evans se sont retrouvés dans le même bain, c'est dingue non ?! », rit-il.

          _ Je te hais espèce de troll poilu, asséna-t-elle comme si elle n'avait plus d'autre argument.

          _ Tu n'aimes pas les hommes qui s'épilent, tu nous l'as dit au cours d'une conversation, je me doute que tu me trouves poilu, quant à l'absurdité de la comparaison entre le troll et moi...

Le jeune homme fut gratifié d'un regard noir et il aurait parié que si elle n'avait pas gardé ses bras autour d'elle, elle les aurait certainement croisés comme elle le faisait à chaque fois qu'elle affichait cet air boudeur. C'était d'ailleurs étonnant qu'elle continuât à se cacher comme si elle était nue. Elle n'était donc pas consciente du sort ? C'était étrange.

          _ Sérieusement, pourquoi tu n'es pas avec les seules filles qui sont capables de t'aimer, j'ai nommé les cruches ?

          _ Je croyais que Stella était ton amie, répliqua-t-il surprit.

          _ Quel rapport ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils.

          _ Tu viens quand même de la traiter de cruche !

          _ Comment... Stella est amoureuse de toi ?! s'écria la préfète-en-chef. Mais...

          _ Je sais, tu te demandes comment peut-on m'aimer, comment peut-on faire une erreur pareille ! répliqua-t-il vivement, vexé.

          _ Tu as plein de cru... filles à tes pieds et toi tu viens me coller, y a vraiment un truc qui va pas chez toi, poursuivit-elle ignorant sa dernière remarque.

          _ Parce que tu me rends fou, lâcha-t-il sans réfléchir, n'ayant pas l'envie de mentir.

Il rapprocha son visage du sien à cette annonce, résistant de moins en moins à l'idée qui n'avait cessé de marteler son cerveau depuis qu'ils s'étaient interrompus ; l'embrasser encore.

          _ Pars, souffla la jeune fille d'un ton suppliant.

Elle posa ses mains à plat sur son torse nu. S'attendant à une forte poussée, il fut décontenancé de sentir les douces mains de Lily trembler contre lui et ne rien faire d'autre. Cette fragilité lui fit perdre la raison et il quémanda l'entrée de sa bouche avec avidité. Il lui semblait que l'éternité avait passé depuis son dernier baiser.

La jeune femme se plaqua contre lui de son propre chef et le cœur de James manqua un battement.

Il la releva un peu, appuyant sur sa nuque si délicate pour prolonger le ballet sensuel qui se jouait entre leurs deux bouches. Elle encercla sa taille avec ses jambes pendant que James redécouvrait la peau de soie de son dos. Il eut un vague instant de lucidité et nota mentalement qu'elle était à nouveau nue ; il y penserait plus tard, il était bien trop obsédé par le corps en fusion de Lily contre lui.

Il les fit se retourner pour qu'elle s'asseye sur lui. Il sentait son corps si voluptueux contre le sien et même s'il ne le voyait pas car ils étaient bien trop collés, il désirait déjà puissamment lui appartenir.

Il parcourait son dos soyeux et s'attarda sur ses reins cambrés avec tant de perfection puis il effleura le rebondissement de ses fesses en frissonnant à son contact. Se rendant compte qu'elle ne prenait plus la peine de respirer depuis plusieurs dizaines de secondes, James décolla ses lèvres de celles de Lily. Dans le même mouvement, la belle rousse encercla ses épaules ne sachant pas qu'il ne voulait pas partir mais simplement la faire respirer. Cette tendre et impulsive réaction fit fondre le cœur du jeune homme et il avait l'impression de l'aimer encore un peu plus ; était-ce possible ?

Il ne prit pas dix secondes pour réagir et plaça ses bras puissants au niveau de ses omoplates pour la maintenir fermement contre lui. En réponse, elle posa sa tête dans le creux de son cou.

Elle lui était si chère. Précieuse. Inestimable.

Quelque chose lui mouilla la peau du cou et il supposa, interloqué, que c'était Lily qui pleurait. Elle renifla légèrement et il en fut persuadé. Pourquoi pleurait-elle ? Était-ce à cause de lui ? Où était-ce à cause d'autre chose ? Cette chose dont elle n'avait pas voulu parler la nuit dans son dortoir, était-ce la même ?

Malgré toutes ces interrogations, il ne prononça mot, préférant la réconforter avec de douces caresses. 

Son corps se détendit entre ses bras et sa respiration devint régulière. Les insomnies venaient de la rattraper. Cette information apaisa son cœur brisé ; elle ne voulait pas de lui, mais elle se détendait en sa compagnie, dans ses bras à lui.

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