mercredi 6 février 2013

Chapitre 8 - Une certaine vision des choses


Le tapis vert du parc s'étendait à l'horizon. Le soleil rendait sa couleur vive et joyeuse. Même les immenses arbres sombres à la lisière de la forêt ne paraissaient pas menaçants comme les nuits où Peter, Sirius et James allaient tenir compagnie à leur loup-garou préféré. En cet instant, c'était uniquement des parasols de verdure. Des scintillements au niveau de la surface lisse et paisible du lac hypnotisèrent le jeune homme. Il profitait de cette nouvelle tranquillité pour rassembler et ordonner ses idées. À côté de lui, la jeune femme rousse avançait en fredonnant un air discret. Ses boucles soyeuses paraissaient de feu et brillaient, des images affluèrent devant ses yeux, lui rappelant Lily au-dessus de lui, dans ce même parc. Le jeune homme se mit une claque mentale, s'en voulant d'être aussi imprégné d'elle. Il fallait qu'il pense à autre chose.

Se concentrant sur l'air que Stella fredonnait, il se rendit compte d'un petit détail qui était parfait pour entamer une conversation.

          _ Hé mais ! Sais-tu que tu fredonnes ma chanson préférée ?!

          _ Ah bon ? répondit-elle en rougissant.

Lily rougissait si facilement...

Rageur de sa soudaine pensée, encore destinée à Evans, il serra les poings.

          _ Pourquoi ressembles-tu tant à Lily ? questionna-t-il en s'en voulant la seconde suivante d'avoir prononcé à voix haute sa pensée.

          _ Eh bien... Euh, c'est pour ça que tu as demandé à me voir ? s'étonna la jeune femme.

          _ Non, non c'est pas pour ça, mais c'est aussi une question que je me pose, si tu veux pas y répondre, ce n'est pas grave, l'informa-t-il.

          _ Eh bien, si tu te moques pas, je peux te le dire, répliqua-t-elle en replaçant une mèche de ses cheveux derrière son oreille.

          _ Juré ! Parole de Maraudeur !

La jeune étudiante approcha sa bouche de son oreille. Elle s'apprêtait à lui faire une confidence, aux vues de son attitude quelque peu gênée.

          _ Tu sais que Lily et moi sommes dans le même dortoir. De ses 11 ans à ses 17, je l'ai vu évoluer. Au début, de 11 à 13 ans, nous n'étions pas très souvent ensemble. Vers 14 ans, j'ai commencé à la remarquer. Elle avait laissé pousser ses beaux cheveux couleur de l'automne, elle avait grandi et elle était devenue tellement féminine comparée à moi. Elle avait en plus, dans ses traits et sa manière de bouger, une grâce assez peu commune. 
Moi, à l'époque, je me trouvais laide au possible et j'ai tout fait pour être mieux. Depuis 14 ans, Lily est mon modèle, celle que tu vois dans les journaux féminins sorciers, celle que tu admires et que tu jalouses vivement. 
Et puis vers nos 16 ans, on a commencé à se parler. Et petit à petit, je suis devenue rousse, j'ai commencé à avoir les yeux verts et j'ai calqué sa grâce, enfin j'ai essayé. Je ne suis pas allée plus loin, même si je trouve sa voix plus belle, ses taches de rousseur adorables et son caractère de feu si vivant. 
Je sais que je ne suis qu'une fade copie et je ne veux pas abuser ou me rendre plus pathétique que je ne le suis déjà.

James n'en revenait pas de cette révélation. Comment une jeune fille pouvait supprimer l'originalité de son être pour devenir une copie de Lily ?

Dans un certain sens, il la comprenait néanmoins. La belle Evans était une jeune femme avec un caractère bien trempé et une repartie bien placée. C'était compliqué d'exister à côté d'elle.

          _ Tu n'es pas pathétique Stella voyons, même si je suis sûr que ton vrai « toi » doit être mieux, car il est unique.

          _ Je ne supporte pas mon vrai « moi », je me sens bien trop mal avec, souffla-t-elle

          _ Et sinon, il y a une raison pour laquelle tu t'es mis à admirer L... Evans particulièrement ? éluda-t-il. Parce qu'il y a plein d'autres belles filles à Poudlard, voire même seulement chez les Gryffondors.

          _ Oui... C'est à cause d'un garçon, un garçon qui n'a d'yeux que pour elle, souffla la jeune Douglas en baissant la tête.

          _ Oui, je te comprends, on essaye tous de changer pour l'être qu'on aime, répondit James sur le même ton, repensant à tout ce qu'il avait fait pour Lily.

          _ Malheureusement, je crois que j'ai fait tout ça pour rien... Enfin, au moins je suis plus jolie maintenant, sourit-elle pauvrement.

          _ Comment ça ? Il ne fait pas attention à toi ?

Elle secoua la tête de gauche à droite en continuant de fixer le sol devant ses pieds qui paraissait captivant.

De son côté, le Maraudeur cherchait qui pouvait n'avoir d'yeux que pour Lily. Puis soudain, une idée le frappa de plein fouet. 

Non, quand même pas ?! Pensa-t-il.

          _ Hum, et euh... Puis-je savoir qui est ce garçon ? demanda-t-il innocemment en la fixant.

          _ Et bien, je ne suis pas sûre que la réponse te plaise et c'est affreusement gênant à avouer, s'empressa-t-elle de répliquer, rougissant encore une fois.

La situation était délicate. Si c'était bien de lui, James Potter, qu'elle s'était entichée, il préférait le savoir pour éviter de la faire souffrir. Or elle n'avait pas l'air enclin à le dévoiler et ça se comprenait.

En homme galant, il voulait bien mettre le sujet sur le tapis mais si ce n'était pas lui, il allait vraiment passer pour un crétin prétentieux et nombriliste. 

          _ Écoute Stella, si... euh... si c'est de moi dont tu parles... Je tiens à m'excuser de t'avoir fait de la peine sans m'en rendre compte et j'admire le fait que tu aies passé outre ça pour essayer de recoller les morceaux entre moi et... Evans, annonça-t-il hésitant.

Bon après tout, le ridicule ne le tuerait pas, hein ? Ce serait bête de mourir à cause du ridicule en temps de guerre.

Qu'avait-il fumé ? Sa baguette ? Il délirait complètement. 

Elle releva la tête pour encrer ses yeux dans les siens. Il pouvait y lire de la douleur mais aussi de la détermination et de la reconnaissance.

          _ Tu sais James, aimer c'est vouloir le bonheur de l'autre. Et je... veux ton bonheur, dit-elle en s'empourprant à la dernière phrase.

Le jeune Potter était hébété. La vie était d'un compliqué ! Stella l'aimait mais lui aimait Lily alors que Lily... Pour la jeune Evans, il n'en avait aucune idée. Une chose était sûre, elle embrassait la folie.

La situation était si délicate.

          _ Je suis... touché que tu fasses attention à moi comme ça, tu es un ange Stella, la complimenta-t-il spontanément car il se connaissait, il aurait été incapable d'arranger les choses entre Lily et un autre garçon.

Cependant, quand elle rosit de plaisir, la culpabilité s'empara de lui. Il ne voulait pas donner de faux espoirs à Stella mais il ne voulait pas non plus qu'elle souffre comme lui souffrait de l'indifférence de Lily.

Rectification faite, la situation était très délicate !

          _ J'espère que ça n'empêchera pas notre amitié récente d'exister, James, parce que je ne veux pas la perdre, lui signala la jeune femme.

          _ Non ! Bien sûr que non, ne t'inquiète pas, assura-t-il.

          _ Et sinon, quelle était la raison de ta convocation en plein air ? demanda-t-elle pour changer de sujet.

          _ Et bien, justement, je souhaitais que tu arrêtes de jouer les anges gardiens entre moi et... Evans, je ne veux plus la pousser vers moi et je crois même que je n'ai plus envie de me pousser vers elle, annonça James sombrement.

          _ Tu ne l'aimes plus ?!

Une expression d'intense étonnement se dessina sur les traits de la jeune rouquine.

          _ Si, je l'aime encore mais elle m'a blessé, alors la peur de souffrir me tient loin d'elle.

Ça et autre chose. Mais il n'avait pas envie d'en parler, c'était trop douloureux.

          _ Je suis tellement triste pour vous deux. Toi, la fille de tes rêves te rejette et elle, elle gâche sa chance avec un garçon merveilleux comme toi, se désola-t-elle.

Peu désireux de s'étendre sur le sujet – il avait encore du mal à ne pas se murer à nouveau dans un mutisme ombrageux – il décida de dériver la conversation vers un point qu'il tenait de toute manière à éclaircir.

          _ En parlant de rêves, tu as dit à Madame Pomfresh que toi aussi tu rêvais. C'est quel genre de rêve ? questionna-t-il.

          _ Euh... C'est assez personnel et super gênant en plus, marmonna-t-elle en contemplant obstinément le sol.

          _ Je te demande pas le détail, est-ce que tu ne sentirais pas une sensation, comme si on te faisait vivre l'horreur d'un autre ? Alors que le rêve est bien constitué de personnes de ton entourage ?

Elle eut un instant de réflexion, s'arrêtant même de marcher. Puis elle acquiesça lentement.

          _ C'est vrai, c'est exactement ça, je n'ai jamais pu mettre la main sur cette impression, la décrire comme tu le fais. Et toi, est-ce que tes rêves sont étranges ? Je veux dire, si tu rêves souvent d'un truc agréable, par exemple manger du chocolat, est-ce que tout d'un coup en manger une tablette te semble dégoûtant ?

          _ Oui tout à fait ! Et par contre, manger quelque chose qui ne te serait jamais venu à l'esprit, par exemple des escargots, tu en prends un plaisir et une satisfaction sourde ! s'exclama le jeune Potter, quelque peu soulagé de n'être pas le seul à avoir de drôles d'impressions.

Il était assez complexe d'expliquer cela aux Maraudeurs, même s'ils se montraient tolérants, ils ne ressentaient pas ce mal-être. Ils n'étaient pas conscients d'avoir fait un rêve qui allait à l'encontre de la morale. Car malgré les problèmes de Lily, James ne pouvait pas la considérer comme une moins que rien et il s'en voulait encore de s'être senti sale en faisant l'amour avec la belle jeune femme. 

C'était comme s'il ne se reconnaissait plus.

          _ Tu crois que le... « Mage des rêves » fait tout ça pour qu'on déteste ce qu'on aime et vice-versa ? demanda Stella, un air d'intense réflexion sur le visage.

          _ En tout cas, ça y ressemble. Je n'ai fait qu'un rêve comme celui-là, je ne sais pas pourquoi. Et toi ?

          _ J'en ai eu pendant une semaine, grimaça-t-elle.

          _ Et quand ton premier rêve s'est-il produit ?

          _ Il y a une quinzaine de jours, je crois, répondit la jolie rousse en fronçant les sourcils.

          _ Comme moi ! s'exclama-t-il.

Quelques minutes de silence passèrent avant qu'il ne reprenne.

          _ Je ne comprends pas ses intentions... J'essaye de tourner l'histoire dans tous les sens mais je sens qu'il me manque quelque chose pour tout comprendre.

Et il poussa un léger soupir.

Le Gryffondor voulait être Auror. Il s'efforçait donc de réfléchir comme tel. Règle numéro une : commencer par établir les faits. Les victimes, le criminel, la raison d'agir et la façon de le faire.

Les victimes étaient Lily, Stella et lui-même. À sa connaissance, il n'y en avait pas d'autre. Selon lui, la victime centrale était Lily. Sa tâche était profondément marquée sur sa tempe, bien plus que Stella et lui. Le premier rêve de Stella et de James avait commencé le même jour. Ça c'était arrêté la première nuit pour lui quand Stella connut cette torture une semaine.

La victime principale étant identifiée, on pouvait supposer que tout ça tournait autour de Lily Evans. C'était donc quelqu'un qui lui voulait du mal. Ce n'était assurément pas pour aider la jeune étudiante. 

L' « arme » du criminel était les rêves. Les manières de blesser un sorcier étaient très nombreuses, aussi, s'il utilisait les rêves, ce n'était pas pour rien. Il allait d'ailleurs devoir se renseigner sur la possibilité que ce soit un don inné et non pas un sort. Cela pourrait réduire le champ des recherches.

Enfin, la raison. Quelle raison pouvait-on donner pour gâcher la vie de Lily ? Était-ce un moyen de l'atteindre ? Ce serait un peu tiré par les cheveux. 

La jeune femme était talentueuse, elle réussissait la plupart des choses qu'elle entreprenait. Cela pouvait provoquer de la jalousie. Bien sûr, il y avait aussi l'histoire de sang. Elle était une née moldue et c'était une raison amplement suffisante quand on voyait les familles massacrées par un fou dangereux aux idéaux macabres.

James n'était pas satisfait de son analyse. Trop de questions pour si peu de réponses. 

Ils marchèrent encore un bon petit quart d'heure, Stella se trouvait être une bonne compagne de discussion quand on la mettait à l'aise. L'humour et la malice n'étaient pas ses domaines de prédilection, peut-être à cause de la souffrance qui avait régi sa vie.

James le sentait bien, il n'y avait aucune alchimie entre eux, mais maintenant qu'il était au courant, il descellait des regards furtifs et admiratifs lui étant destinés, le rendant plus coupable à mesure que le temps avançait. Cependant, il n'afficha pas son malaise ; s'il ne pouvait pas lui offrir de l'amour, il pouvait au moins lui offrir de l'amitié pour la soulager.

Ils finirent par rentrer, James était pressé de parler aux Maraudeurs. Il s'excusa auprès de Stella pour aller les retrouver dans leur dortoir. Il savait qu'ils étaient là-bas car ils préféraient généralement leur « QG » à la salle commune ; ils pouvaient parler plus librement.

          _ Les mecs, devinez quoi ! s'exclama James en souriant en coin.

La nouvelle étant assez flatteuse, il décida d'afficher un peu de gaîté sur son visage. Autant en profiter pour faire mine d'avoir retrouvé le sourire. Il savait que ça rendrait ses amis plus joyeux, bien qu'il doutât que Remus soit dupe.

          _ Mais Jamesie ! Tu sais bien que mon beau cerveau n'est pas fait pour les devinettes ! geignit Sirius.

          _ Allez, essayez toujours !

          _ Un indice alors ! s'exclama Peter en se prenant au jeu.

          _ C'est à propos d'une fille, lança-t-il énigmatique.

          _ Je sais !! Une nana t'a décoincé en te violant ? demanda son faux frère plein d'espoir.

          _ Wow, mec, t'es vraiment trop fort ! Comment t'as deviné ?! s'étonna faussement James.

          _ C'est ça d'être doué, que veux-tu... Alors raconte, une nana t'a sauté sur le poil ? Comme c'est excitant ! Elles sont encore plus bonnes quand...

          _ STOP ! hurlèrent les trois autres Maraudeurs en même temps.

           _ Ça y est ? Il s'est arrêté ? Il ne m'en manquait plus qu'une et j'avais prié toutes les divinités que je connaissais, souffla le jeune homme aux cheveux châtains.

Ils mirent à rire alors que Sirius affichait une mine déçue et consternée.

          _ Il n'y a pas de fille sauvageonne, c'est ça ?

          _ Comment as-tu pu deviner Patmol, c'est surprenant, sourit Remus narquoisement.

          _ Mais qu'est-ce que c'est alors la nouvelle ? intervint Peter.

          _ Très bien, je vais  vous le dire parce que je pense qu'au niveau des divagations, on a eu notre compte ce soir, précisa le jeune homme à lunettes en fixant Sirius d'un air moqueur. Je suis allé parler à Stella pour qu'elle arrête de jouer les cupidons entre moi et... Evans. En parlant, elle m'a finalement avoué qu'elle était amoureuse de moi et qu'elle le faisait pour mon bonheur. Je trouve ça courageux, mais maintenant la situation est plus que délicate.

          _ Désolé de te dire ça, James, mais la nouvelle n'est surprenante que pour toi, informa le l'élégant loup-garou, même Sirius l'a fait remarquer. Pour une semaine de devoirs, j'ai réussi à lui faire tenir sa langue.

          _ D'ailleurs mon cher Lunard, j'espère que tu as excellé en Métamorphose car c'est dans mon habitude.

          _ Oui, Maître Sirius, soupira Remus en levant les yeux au ciel.

          _ Je préférerais Excellentissime et Merveilleux Maître Sirius, pinailla le dit Maître.

          _ Bref, je suis vraiment aveugle moi, tu parles d'un futur Auror ! grogna James.

          _ Ne te le reproche pas, tu étais complètement obsédé par Lily, lui rappela le préfet des Gryffondors.

Cette réflexion fissura son masque de gaîté. Depuis combien d'année l'était-il ? Depuis qu'il l'avait croisée dans la gare en première année. Elle était si mignonne. Au fil des années, il avait appris à la connaître, le maximum qu'elle autorisait, tout du moins. 

Ensuite, une attirance se créa, une alchimie qui l'attira indéniablement vers elle. Elle était devenue son obsession, chacune de ses manies l'hypnotisaient, les petits échanges qu'ils pouvaient avoir le rendaient fou de joie, les jours où il ne la voyait pas le déprimaient. 

Et puis il s'était débarrassé de sa timidité, il s'était construit et était devenu plus confiant. Assez pour tenter lui demander de sortir avec elle, trop pour se rendre compte qu'il la braquerait. Après ce premier rejet, il s'était rendu compte que faute de mieux, il s'était attaché à ces échanges. Le jeune homme chercha donc à les réitérer jusqu'à ce que la souffrance prenne le pas sur ce maigre plaisir. Ce fut à ce moment-là qu'il décida de tenter le tout pour le tout et de demander une heure avec Lily Evans en échange de la promesse de ne plus venir la voir.

Jamais il n'aurait cru pouvoir lui parler et l'embrasser comme il l'eût fait après cette promesse. 

Une chose était sûre, la conclusion de cette réflexion était aussi déprimante que son analyse faite plus tôt au parc.

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